Les Æthers est un espace de travail construit par Claire Williams et Debora Levyh pour recueillir et réactiver des techniques de l’invisible retrouvées dans les archives des sciences expérimentales et occultes des 19e et 20e siècles. Cette matière foisonnante passe par les prismes de leurs pratiques individuelles et collectives : installation documentale, fiction non-narrative, circuits électroniques ésotériques, instruments qui captent l’activité électromagnétique…

On pourrait dire que dans nos sociétés industrielles, la science détient le monopole de nos relations à l’invisible. La physique, la chimie, la biologie, et très certainement la psychologie, fabriquent les représentations « légales » de ce que nous ne percevons pas directement par les sens. Mais affirmer ceci, c’est nier la profusion d’autres techniques de l’invisible, dont le flot ne se tarit jamais, mais change constamment de forme. Alors que des traditions sont encore et toujours importées d’ailleurs (Inde, Sibérie, Afrique Centrale…), Les Aethers cherche à retracer d’autres lignages en plongeant dans les histoires des sociétés industrielles. Un contexte dans lequel ces pratiques se sont façonnées au contact des sciences et des techniques qui ont produit notre monde saturé d’ondes.

Car entre la deuxième moitié du 19e et le début du 20e, les échanges étaient nombreux entre les sciences expérimentales naissantes et des pratiques que nous tenons aujourd’hui pour non scientifiques. Il n’y aurait ni téléphone ni télégraphe s’il n’y avait pas eu des communications spirites et des médiums. De chaque côté de la frontière que nous traçons maintenant entre science et non-science, les chercheurs de l’invisible étaient animés d’une même ambition : révéler un monde imperceptible pour l’humain. Et ils partageaient pour se faire des concepts, des instruments, des institutions, des relations, des dîners… Pour certaines, ces nouveaux territoires deviennent des espaces d’expérimentations et de liberté hors du système des exclusions de classe et de genre. On trouve, dans cet ensemble foisonnant, beaucoup de femmes, un autre rapport au corps, une approche plus qualitative que quantitative, des collectifs, des mondes multiples qui s’activent…

Entre autres techniques, Les Aethers se penchent sur : la chimie occulte expérimentée par deux Théosophes à la fin du 19e ; la photographie Kirlian imaginée par un couple d’inventeurs russe dans les années dans les années 1930 ; les miroirs de Kozyrev fabriqués par des médecins sibériens depuis les années 1990 ; le shifting mise au point par de jeunes adolescentes pendant le premier confinement et largement diffusé sur les réseaux sociaux. Ces techniques spécifiques raisonnent avec un ensemble plus vaste des pratiques de l’invisible documentées dans l’archive des Aethers : spiritisme, transcommunication instrumentale, photographie de la pensée, vision à distance, matérialisation d’ectoplasme, télépathie de masse à la radio, radionique…

Concrètement, Les Aethers fait trois choses 1. Collecter des documents d’archives sur ces techniques. 2. Écrire des textes qui réinscrivent chaque technique dans le faisceau de pratiques (scientifiques, religieuses, sociales, économiques, etc...) dans lesquelles elles sont prises. 3. Réactiver des techniques sous forme d’installation/performance.

Les Æthers a lieu ici: https://aethers.constantvzw.org/aboutae.html